lundi 14 avril 2008

L'appropriation des lieux


Je souhaiterais faire référence à la scène d’arrivée de Xavier à Barcelone, et à sa réflexion lorsqu’il regarde avec un œil neuf et naïf les rues, plus ou moins perdu dans les tumultes de la ville.

« Plus tard, on aura vécu dans cette ville, on sera allé au bout des perspectives, on aura vécu des histoires avec des gens. Quand on aura vécu dans cette ville, cette rue on l’aura pris 10, 20,1000 fois. Urquinaona, Passeig de Gracia, Laietana, au bout d’un moment, tout ça vous appartient parce qu’on y a vécu. »

Xavier, avec le recul d’une année passée à Barcelone, peut se poser ces questions sur l’appropriation des lieux, sur son attachement aux lieux, à la ville. Je souhaite particulièrement appuyer ce point, car j’ai également pu ressentir cet attachement à la ville, aux lieux, souvent synonymes d’anecdotes, de souvenirs…

En m’appuyant sur les ouvrages de Jean Paul Lacaze La ville et l’urbanisme et sur la thèse de Alain Debenedetti L’attachement aux lieux de service j’ai pu étudier ces problématiques et ainsi comprendre comment nous réagissons par rapport à l’appropriation de l’espace.

L’appropriation d’un espace n’est pas immédiate, elle ne peut être imposée. Elle résulte comme le décrit bien Xavier, à la fréquentation répétitive et habituelle de ces lieux, rues, espaces, quartiers. On noue alors des relations affectives riches de sens : on aime s’y promener, se retrouver, passer du temps, et ces lieux deviennent peu à peu « nôtres ». C’est le but de tout programme urbain : faciliter l’appropriation de l’espace.

« L'appropriation de l'espace par les habitants constitue le facteur décisif de la réussite finale de toute opération d'urbanisme ou de construction ».

L’attachement aux lieux tient aux relations affectives qui s’instaurent entre les habitants et l’espace dans lequel ils évoluent, et tient à différents points définis par Alain Debenedetti :

  • L’attachement au lieu se forme avec des endroits spécifiques et non avec des catégories de lieux. Par ailleurs, il concerne tous les types de lieux sans restriction: le lien peut se former avec des lieux immenses ou très petits, naturels ou construits, ordinaires ou extraordinaires, sacrés ou profanes, privés ou publics, peuplés ou très peu fréquentés, physiquement laids ou très esthétiques etc.
  • L’attachement au lieu constitue une extension de soi et permet par conséquent la construction d’une histoire commune avec le lieu d’attachement (anecdotes, déménagement…). C’est pour cela que les lieux où les personnes ont été élevées sont souvent synonymes de lieux d’attachement. Cet attachement évolue donc avec le temps à mesure de l’évolution de l’identité de l’individu. Le caractère identitaire est prépondérant dans le mécanisme de l’attachement au lieu.
  • Le lieu d’attachement implique une appropriation mentale, pas besoin de posséder le lieu pour s’y attacher.
  • L’attachement donne au lieu valeur particulière, qui sont difficiles à remplacer, leur disparition entraîne certaines pathologies.
  • L’attachement au lieu varie en intensité.
L'étude de cet "attachement" correspond à ce que j'ai pu vivre au fil du temps à Barcelone, entre la difficulté et la peur d'être dans une nouvelle ville, puis finalement la tristesse de partir, de devoir retourner en France.
J'ai eu l'occasion de retourner déjà plusieurs fois à Barcelone depuis mon retour d'Erasmus, et chaque fois, à mon arrivée, j'ai ressenti à la fois la joie d'être (enfin) de retour à Barcelone, et la tristesse de n'être désormais qu'un touriste pour cette ville.

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